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DÉLÉGUÉ UNIVERSITAIRE

que la femme de chambre a du savon à en revendre.

Je remonte à l’étage et je sonne la chambrière. Je lui pose la question clé : « Parlate la lingua francese ? » Pas de réponse, mais un sourire malheureux et impuissant. Je tente : « Do you speak English ? » — Même geste de désolation infranchissable.

J’avais demandé au chef de service : « Comment, nella lingua italiana, dites-vous savon ? » Il m’avait répondu : « Sapone ». C’était tout simple : comment n’y avais-je pas pensé ! Je dis donc à la boniche : « Un poco di sapone ». Elle ne semble pas comprendre. Puis elle m’avoue qu’elle n’en a pas, mais elle me rassure : « Io dimando ». Bon, elle va s’enquérir. J’opine que oui, et je dis : « Dimando », et, à part moi : c’est crevanto. Elle me quitte, et revient pour m’annoncer qu’elle n’en a pas trouvé, mais que j’en aurai le lendemain.

Me voilà bien : tout seul dans Rome, revêtu de la grande poussière latine, et pas même dans mes malles un savon canadien-français. Que font donc nos traditions qui ne nous apprennent pas qu’en Europe on trouve de tout dans les hôtels, sauf ce qu’on appelle délicieusement la « savonnette » ?

Croyant bien faire, j’offre un pourboire à la soubrette. Elle me regarde, étonnée : « E por il sapone, Signor ? » — « Mais non, c’est pour vous, pour vous. » Je dépose le billet sur la table, et, comme Bonaparte, je me mets à écrire. Elle déploie mon pyjama, range mes pantoufles et, prenant le pourboire. « Buona sera, Signor ». Je remercie et je reste seul.

Je pense toujours au sapone. Tout à l’heure, le garçon d’ascenseur, croyant que je demandais