Page:Montpetit - Souvenirs tome II, 1949.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
SOUVENIRS

nonnes assemblées, le fameux potager dont, assez curieusement, s’exaltait Barrès. Minutes d’émotion que peut-être nous sommes seuls à éprouver parmi des gens qui retrouvent un décor familier.

Le lendemain, nous suivions le Rhin bordé de pics que crénelaient des châteaux d’un autre âge. À chaque gare, le chef en uniforme attendait que les portières fussent fermées, puis, levant une sorte de sceptre couronné d’un cercle rouge, ordonnait d’un geste autoritaire, accompagné d’un coup de sifflet, la mise en marche. Et le train repartait dans la Forêt noire, pour atteindre, le soir, les Chutes du Rhin, puis Zurich et Lucerne. De ce pays vigoureux et doux, que nous retrouverions plus tard, et qui partage avec l’Italie tant de souvenirs romantiques, nous emportions une image déçue : sauf une éclaircie sur un pic de neige, le voyage dont nous avions rêvé s’acheva sous une pluie tiède. Presque tout sera à reprendre de cette fugue inachevée.

Nous vivons les quelques jours de vacances qui nous restent à Pas-en-Artois où, à raison de six dollars pour quinze jours, nous avions loué une maison fort convenable. Nous re-