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PREMIERS PAS

et j’aspirais à la liberté après dix ans d’internat.

Mon directeur l’avait compris. Mais il me dit : « Mon cher Édouard, vous ne ferez rien de bon à moins de devenir agriculteur, de vous installer sur une terre. » Déjà, mon professeur de rhétorique m’avait enfoncé cette flèche que j’ai toujours portée au flanc : « Adieu, cher monsieur, souvenez-vous que tout succès doit être pardonné. » Voilà les deux viatiques que j’emportai du collège. Ils m’ont servi singulièrement si je mis toute mon énergie à les faire mentir.

Les pensionnaires du Collège de Montréal, en ce temps-là, n’avaient pas de vacances, hors la trêve de l’été. Nous profitions seulement, et si nous avions été prudents, des congés de sortie et, le lendemain du Jour de l’an, de toute une journée, une seule : nous partions en hâte le matin, dans la nuit inachevée, les yeux lourds, mais fous de joie à la pensée de cette fugue.