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l’accepter pour lui-même, sinon pour les siens. Il regarde le succès des autres sans envie. Il dit simplement : « Mon tour viendra ».[1]

Son tour vint, en effet, et plus tôt qu’il ne pouvait croire. En 1830, grâce à Henri Latouche, il publie dans le Figaro son premier article. Ce succès l’encourage et le détermine : il se voue aux lettres. Une situation lui est offerte en province. Il s’y rend. À dix-huit ans, il est rédacteur à l’Écho de Rouen. Il y reste un an : le temps d’acquérir quelque expérience et d’essuyer deux duels. Il est ensuite appelé à Périgueux comme directeur d’un journal politique conservateur de ton et d’idées : le Mémorial de la Dordogne. Il y a des loisirs. Il les emploie à des lectures méthodiques. Très jeune, il n’avait pas échappé à la fièvre romantique. Il avait pratiqué Michelet, Hugo et Sainte-Beuve. Il avait applaudi Hernani ; il eut aimé Lélia. Il s’en confesse d’ailleurs, il s’en accuse presque :

J’escortai Hernani le poing haut, l’œil sauvage ;
J’aurais à Lélia parlé de mariage ;
Michelet me semblait profond. Dumas poli.
Et je trouvais Delorme on ne peut plus joli
Bref, je fus romantique…[2]

À Périgueux, il néglige ces premières amours sans pourtant les délaisser tout à fait. Il cultive

  1. Louis Veuillot, par Eugène Tavernier, p. 41.
  2. Eugène Veuillot : Vie de Louis Veuillot. vol. I, p. 35