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AU PAYS DE LA DÉCOUVERTE

nous montrer qu’elles non plus ne l’avaient pas oublié ; nos chanteurs ont répondu par la Marseillaise qui tombait sur les flots et prenait avec eux le chemin du Canada. À Paramé, à Limœlou, aux Portes-Cartier, à Rothéneuf, partout, des enfants, des cloches, des paroles et des chansons, le brouhaha d’un retour où se reconnaissait l’indéfinissable apaisement de la fidélité.

Aux Portes-Cartier, la gentilhommière où vécut le découvreur, abri de ses amours et de son rêve, est le lieu le plus émouvant de notre pèlerinage. On y touche la présence de Cartier comme si son souvenir, disséminé dans le pays, prenait corps à ce rendez-vous. Étrange poursuite d’une image que nous ne reconstituerons jamais, dont nous ne savons pas au juste comment elle s’est évanouie et qui se reforme en nous par la fallacieuse immortalité d’un bronze. Une plaque rappelle aux passants ce qui fut un grand nom ; mais des noms obscurs, dans un registre, expriment ce qu’il en reste dans la mémoire des hommes. Il y a tant de héros en France qu’ils sont confondus dans une gloire commune : celui-ci détache, par son geste, un mouvement de peuple sur un horizon lointain. Il est, tout seul, notre origine. Ses yeux ont contemplé le Saint-Laurent feuillu que nous avons dépouillé pour refaire la terre de France. Nous sommes l’avenir que sans doute il a porté dans son cœur, la fleur de lys détachée de sa croix. Nous aimons qu’il soit grand ; il nous plaît qu’il ait pris bonne place dans les anciennes cérémonies de Saint-Malo, qu’on l’appelle « noble homme » sur le livre des baptêmes, que le