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LE FRONT CONTRE LA VITRE

L’Anglais pousse le fair-play jusque dans le domaine de la religion. Il se fait, selon le mot d’une femme que Ferdinand Brunetière, ennemi de tous les individualismes, aimait citer, son petit religion à soi. Madariaga écrit à ce propos une page dont les Anglais ont dû goûter l’humour : « Ce sens de l’unité est, comme nous le savons, limité aux frontières de la race. La religion, cette passion la plus universelle de toutes, ne l’est pas en Angleterre. Le peuple d’action a sa propre église. Il veut s’assurer du fair-play, même dans l’autre monde. Sur toute la terre, ce peuple érige, témoins de ses passions insulaires, des églises et des cimetières anglais ; et c’est ainsi que, insulaire même après le trépas, naviguant dans des bières anglaises, il arrive aux côtes d’une éternité qui n’est qu’un autre Dominion par delà les mers de la mort. »




Le Français est un « homme de pensée » ; il est, d’instinct, un théoricien. Il ne se livre pas à l’action au point de se confondre avec elle ; mais il la domine de son intelligence, comme une chose détachée de lui, qu’il doit prévoir. Il fait des plans. C’est un « joueur d’échecs ». Au faîte des facultés humaines, il place la raison à laquelle il veut obéir quand il pose un acte. Son action est donc préméditée.

Seul un Français, et c’est André Maurois dans Sentiments et Coutumes, peut écrire : « Chacun doit penser à l’avenir au moment où il peut agir sur les