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dans le regard, ce cristallin où nage la prunelle, paraît durement arrêté entre les cavités de l’œil ; en sorte qu’aucune vapeur n’en dépasse les contours pour les embrumer, les adoucir. Les épaules sont larges, nerveuses, et la stature découpe ses profils d’athlète comme celle d’un dieu teutonique, sous le veston de velours noir au-dessus duquel s’enlève le nœud de cravate de soie blanche.

Vous le nieriez en vain, il s’appelle Stephen. Il a été l’amant inconsolable de Madeleine ; il l’est encore. S’il se fait siffler par les merles de son jardin, c’est qu’il a aimé. Jamais souffle si personnel et si brûlant n’effleura une œuvre, que celui qui court sur les pages écrites Sous les tilleuls. Ce qu’il est venu chercher dans la vie mortelle de la nature, ce n’est point l’oubli ni l’apaisement ; mais on dirait que c’est l’étreinte plus vraie d’un souvenir de femme. La solitude permet à la mémoire de sculpter les formes de ce qu’on a aimé, d’en reconstituer le type qui s’avancera toujours au-devant de nous, le soir ou le matin. Aussi ne faut-il pas s’étonner s’il est des organisations qui peuvent toujours garder un souvenir, là où le feu sacré s’éteint chez