Page:Montholon - Souvenirs de Sainte-Hélène, 1901.pdf/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ai enfin reçu deux de toi, du 25 mai et 6 juin. Ce que tu me dis de ta santé me fait un grand plaisir. J’aime à croire que tu ne me trompes pas et que ce n’est pas pour diminuer mes inquiétudes que tu m’assures être rétabli. Tu te plains des craintes chimériques que je me fais sur ton état ; tu recevras encore plusieurs lettres où je te témoigne ces mêmes craintes, fondées sur la maladie que tu as éprouvée après mon départ, et qui m’a fait t’engager à revenir.

Tu me dis que jamais tu ne reviendras que tu ne sois remplacé. Je t’approuve, mon ami, et te dois à ce sujet une explication.

Je n’ai jamais eu d’autre opinion que celle que tu manifestes ; mais le jour où tu m’as écrit d’une manière qui me prouvait que, soit par le chagrin, soit par l’influence du climat, tu étais réellement en danger, j’ai dû te dire : la santé avant tout, reviens, et je te le dirais encore dans le même cas. J’ai dû même, pour affaiblir les liens fondés sur les devoirs qui te retiennent, peser sur d’autres devoirs également sacrés et t’exagérer le besoin que j’avais de ta présence et de tes soins. Sans aucun doute, même étant remplacé, tu nuirais à ta considération si tu abandonnais le parti que tu as pris ; c’est cette conviction qui m’a fait t’offrir d’aller te rejoindre si ma santé ne s’y oppose pas. Je sais, ou plutôt, je sens que nous ne pouvons vivre éternellement ainsi. Sous le rapport d’affection et de bonheur quotidien,