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En outre de ses légitimes griefs contre les spéculateurs, il avait peut-être gardé rancune aux capitalistes de Paris qui lui avaient refusé des avances après le 18 Brumaire. Et puis les financiers constituant une classe éclairée, très indépendante et très influente, qui n’a pas besoin des faveurs de la Cour, il ne parvint jamais à les séduire et à les dominer.

Si le cœur de Napoléon a été généralement incompris, son état d’âme n’a pas été mieux jugé. Il n’était pas, comme on l’a cru, profondément incrédule, ni sceptique de parti pris.

Il nous a dit souvent : « Il y a un sentiment inné dans le cœur de l’homme qui le porte à croire. Il est impossible qu’il ne se dise pas sans cesse : D’où suis-je venu ? Où vais-je ? » Et il ajoutait avec un accent ému : « Personne ne peut dire : je ne serai pas dévot. »

Séparé tout jeune de sa famille et complètement dépaysé, il avait naturellement subi l’influence des milieux et des événements.

La philosophie du xviiie siècle avait séduit son esprit d’autant plus facilement que sa raison orgueilleuse se raidissait contre les mystères. D’ailleurs, comme presque tous les hommes de