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Assis autour de cette table, à 2,000 lieues de la France, l’Empereur nous racontant sa vie, il me venait à l’idée que nous étions peut-être dans l’autre monde et que j’entendais les Dialogues des morts. Pendant ce temps, les bougies coulaient par l’extrême chaleur, les cousins nous piquaient, et l’on étouffait malgré que les fenêtres fussent ouvertes, ce qui me ramenait sur terre.

Quand il causait aussi des événements de son règne, il aimait que l’on discutât franchement les questions, et si l’on émettait une opinion contraire à la sienne, n’importe sur quoi, il fallait qu’elle fût motivée ; il s’amusait sur le sujet qu’il traitait et n’était pas content qu’il n’eût persuadé. S’il disait sur un fait quelque chose que l’on ne croyait pas, il le voyait de suite, bien que l’on n’eût pas proféré une parole ; alors il riait et il ajoutait : « Ah ! Monsieur le Grand Maréchal (ou un autre) ne croit pas cela. »

J’en citerai un exemple : Parlant un jour des fantaisies qu’on lui avait prêtées pour des actrices, il citait entre autres une jeune débutante qui était venue aux Tuileries pour une représentation dans l’intérieur. Le bruit avait couru