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Dès les premiers jours de notre installation à Longwood, l’Empereur me faisait demander au salon pour jouer au piquet. M. de Las-Cases était là et marquait. L’Empereur voulait que nous jouassions cher, et surtout que je le payasse exactement quand je perdais, et lorsque je ne m’acquittais pas immédiatement, ce qui arrivait souvent, il me tourmentait jusqu’à ce que j’eusse apporté l’argent. Ce piquet avait lieu de deux à quatre heures et était suivi d’une conversation et d’une promenade à pied dans le jardin ; il marchait doucement, s’arrêtait en causant, et cette promenade dans la même allée durait des heures. Il aimait que l’on parlât et que l’on prouvât qu’on portait attention à la conversation, et qu’on y prenait intérêt.

Si l’on était trop fatigué, on cherchait à s’éclipser en se glissant dans une allée transversale ; mais quelque adresse que l’on mît à exécuter ce mouvement, il ne lui échappait pas, si occupé qu’il fût de sa conversation ; même lorsqu’il était plusieurs pas en avant, il s’apercevait toujours que l’on avait disparu et il ne manquait jamais de dire : « Voilà Mme de Montholon (ou un autre de nous) qui s’enfuit, »