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voit regner, mais exister. Entre les deux empires, il se forma des déserts ; entre les deux empires, on fut toujours sous les armes ; bien loin qu’il y eût de commerce, il n’y eut pas même de communication. L’ambition, la jalousie, la religion, la haine, les mœurs, séparent tout. Ainsi, le commerce entre l’occident & l’orient, qui avoit eu plusieurs routes, n’en eut plus qu’une ; & Alexandrie étant devenue la seule étape, cette étape grossit.

Je ne dirai qu’un mot du commerce intérieur. Sa branche principale fut celle des bleds qu’on faisoit venir pour la subsistance du peuple de Rome : ce qui étoit une matiere de police, plutôt qu’un objet de commerce. A cette occasion, les nautoniers reçurent quelques privileges[1], parce que le salut de l’empire dépendoit de leur vigilance.


CHAPITRE XVII.

Du commerce, après la destruction des Romains en occident.


L’EMPIRE Romain fut envahi ; & l’un des effets de la calamité générale, fut la destruction du commerce. Les barbares ne le regarderent d’abord que comme un objet de leurs brigandages ; &, quand ils furent établis, ils ne l’honorerent pas plus que l’agriculture & les autres professions du peuple vaincu.

Bientôt il n’y eut presque plus de commerce en Europe ; la noblesse qui regnoit par-tout, ne s’en mettoit point en peine.

La loi des Wisigoths[2] permettoit aux particuliers d’occuper la moitié du lit des grands fleuves, pourvu


  1. Suet. in Claudio. Leg 7, cod. Théodos. de naviculariis.
  2. Liv. VIII, tit 4, §. 9.