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les petites nations qui y eurent quelque port. Ils souffrirent que les Iduméens, les Juifs & les Syriens y eussent des flottes. Salomon[1] employa à cette navigation des Tyriens qui connoissoient ces mers.

Josephe[2] dit que sa nation, uniquement occupée de l’agriculture, connoissoit peu la mer : aussi ne fut-ce que par occasion que les Juifs négocierent dans la mer rouge. Ils conquirent, sur les Iduméens, Elath & Asiongaber qui leur donnerent ce commerce : ils perdirent ces deux villes, & perdirent ce commerce aussi.

Il n’en fut pas de même des Phéniciens : ils ne faisoient pas un commerce de luxe ; ils ne négocioient point par la conquête : leur frugalité, leur habileté, leur industrie, leurs périls, leurs fatigues, les rendoient nécessaires à toutes les nations du monde.

Les nations voisines de la mer rouge ne négocioient que dans cette mer & celle d’Afrique. L’étonnement de l’univers à la découverte de la mer des Indes, faite sous Alexandre, le prouve assez. Nous avons dit[3] qu’on porte toujours aux Indes des métaux précieux, & que l’on n’en rapporte point[4] : les flottes Juives, qui rapportoient par la mer rouge de l’or & de l’argent, revenoient d’Afrique, & non pas des Indes.

Je dis plus : cette navigation se faisoit sur la côte orientale de l’Afrique : & l’état où étoit la marine pour lors, prouve assez qu’on n’alloit pas dans des lieux bien reculés.

Je sçais que les flottes de Salomon & de Jozaphat ne revenoient que la troisieme année : mais je ne vois pas que la longueur du voyage prouve la grandeur de l’éloignement.

Pline & Strabon nous disent que le chemin qu’un navire des Indes & de la mer rouge, fabriqué de joncs,


  1. Liv. III des rois, chap. IX ; Paralip. liv. II, chap. VIII.
  2. Contre Appion.
  3. Au chap. I. de ce livre.
  4. La proportion établie en Europe entre l’or & l’argent peut quelquefois faire trouver du profit à prendre dans les Indes de l’or pour de l’argent ; mais c’est peu de chose.