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CHAPITRE XIII.

Des manieres, chez les Chinois.


MAIS c’est à la Chine que les manieres sont indestructibles. Outre que les femmes y sont absolument séparées des hommes, on enseigne, dans les écoles, les manieres comme les mœurs. On connoît un lettré[1] à la façon aisée dont il fait la révérence. Ces choses une fois données en préceptes & par de graves docteurs, s’y fixent comme des principes de morale, & ne changent plus.


CHAPITRE XIV.

Quels sont les moyens naturels de changer les mœurs & les manieres d’une nation.


NOUS avons dit que les loix étoient des institutions particulieres & précises du législateur, & les mœurs & les manieres des institutions de la nation en général. De-là il suit que, lorsque l’on veut changer les mœurs & les manieres, il ne faut pas les changer par les loix ; cela paroîtroit trop tyrannique : il vaut mieux les changer par d’autres mœurs & d’autres manieres.

Ainsi, lorsqu’un prince veut faire de grands changemens dans sa nation, il faut qu’il réforme par les loix ce qui est établi par les loix, & qu’il change par les manieres ce qui est établi par les manieres : & c’est une très-mauvaise politique, de changer par les loix ce qui doit être changé par les manieres.

  1. Dit le pere du Halde.