Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XII.

De la pudeur naturelle.


TOUTES les nations se sont également accordées à attacher du mépris à l’incontinence des femmes ; c’est que la nature a parlé à toutes les nations. Elle a établi la défense, elle a établi l’attaque ; &, ayant mis des deux côtés des desirs, elle a placé dans l’un la témérité, & dans l’autre la honte. Elle a donné aux individus, pour se conserver, de longs espaces de temps ; & ne leur a donné, pour se perpétuer, que des momens.

Il n’est donc pas vrai que l’incontinence suive les loix de la nature ; elle les viole au contraire. C’est la modestie & la retenue qui suivent ces loix.

D’ailleurs, il est de la nature des êtres intelligens de sentir leurs imperfections : la nature a donc mis en nous la pudeur, c’est-à-dire, la honte de nos imperfections.

Quand donc la puissance physique de certains climats viole la loi naturelle des deux sexes & celle des êtres intelligens, c’est au législateur à faire des loix civiles qui forcent la nature du climat & rétablissent les loix primitives.


CHAPITRE XIII.

De la jalousie.


IL faut bien distinguer, chez les peuples, la jalousie de passion d’avec la jalousie de coutume, de mœurs, de loix. L’une est une fievre ardente qui dévore, l’autre, froide, mais quelquefois terrible, peut s’allier avec l’indifférence & le mépris.

L’une, qui est un abus de l’amour, tire sa naissance de l’amour même. L’autre tient uniquement aux mœurs,