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plus ils sont en état de tenir les femmes dans une exacte clôture, & de les empêcher de rentrer dans la société. C’est pour cela que, dans les empires du Turc, de Perse, du Mogol, de la Chine & du Japon, les mœurs des femmes sont admirables.

On ne peut pas dire la même chose des Indes, que le nombre infini d’isles, & la situation du terrein, ont divisées en une infinité de petits états, que le grand nombre des causes que je n’ai pas le temps de rapporter ici rendent despotiques.

Là, il n’y a que des misérables qui pillent, & des misérables qui sont pillés. Ceux qu’on appelle des grands n’ont que de très-petits moyens ; ceux que l’on appelle des gens riches, n’ont gueres que leur subsistance. La clôture des femmes n’y peut être aussi exacte ; l’on n’y peut pas prendre d’aussi grandes précautions pour les contenir ; la corruption de leurs mœurs y est inconcevable.

C’est-là qu’on voit jusqu’à quel point les vices du climat, laissés dans une grande liberté, peuvent porter le désordre. C’est-là que la nature a une force, & la pudeur une foiblesse qu’on ne peut comprendre. A Patane[1], la lubricité des femmes est si grande, que les hommes sont contraints de se faire de certaines garnitures pour se mettre à l’abri de leurs entreprises[2]. Selon M. Smith[3], les choses ne vont pas mieux


  1. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, tom. II, part. II, pag. 196.
  2. Aux Maldives, les peres marient les filles à dix & onze ans ; parce que c’est un grand péché, disent-ils, de leur laisser endurer la nécessité d’hommes. Voyages de François Pirard, chap. XII. A Bantam, sitôt qu’une fille a treize ou quatorze ans, il faut la marier, si l’on ne veut qu’elle mene une vie débordée. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, pag. 348.
  3. Voyage de Guinée, partie II, pag. 192 de la traduction. Quand les femmes, dit-il, rencontre un homme, elles le saisissent, & le menace de le dénoncer à leur mari, s’il les méprise. Elles se glissent dans le lit d’un homme, elles le réveillent ; &, s’il les refuse, elles le menacent de se laisser prendre sur le fait.