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tations seront des chûtes, l’attaque sûre, la résistance nulle. Dans ce pays, au lieu de préceptes, il faut des verroux.

Un livre classique de la Chine regarde comme un prodige de vertu de se trouver seul dans un appartement reculé avec une femme, sans lui faire violence[1].


CHAPITRE IX.

Liaison du gouvernement domestique avec le politique.


DANS une république, la condition des citoyens est bornée, égale, douce, modérée ; tout s’y ressent de la liberté publique. L’empire sur les femmes n’y pourroit pas être si bien exercé ; &, lorsque le climat a demandé cet empire, le gouvernement d’un seul a été le plus convenable. Voilà une des raisons qui a fait que le gouvernement populaire a toujours été difficile à établir en orient.

Au contraire, la servitude des femmes est très-conforme au génie du gouvernement despotique, qui aime à abuser de tout. Aussi a-t-on vu dans tous les temps, en Asie, marcher d’un pas égal la servitude domestique & le gouvernement despotique.

Dans un gouvernement où l’on demande sur-tout la tranquillité, & où la subordination extrême s’appelle la paix, il faut enfermer les femmes ; leurs intrigues seroient fatales au mari. Un gouvernement qui n’a pas le temps d’examiner la conduire des sujets, la tient pour suspecte, par cela seul qu’elle paroît & qu’elle se fait sentir.

  1. Trouver à l’écart un trésor dont on soit le maître ; ou une belle femme seule dans un appartement reculé ; entendre la voix de son ennemi, qui va périr si on ne le secourt : admirable pierre de touche. Traduction d’un ouvrage Chinois sur la morale dans le P. du Halde, tom. III, pag. 151.