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CHAPITRE XI.

Ce que les loix doivent faire par rapport à l’esclavage.


MAIS, de quelque nature que soit l’esclavage, il faut que les loix civiles cherchent à en ôter, d’un côte les abus, & de l’autre les dangers.


CHAPITRE XII.

Abus de l’esclavage.


DANS les états mahométans[1], on est non-seulement maître de la vie & des biens des femmes esclaves, mais encore de ce qu’on appelle leur vertu ou leur honneur. C’est un des malheurs de ces pays, que la plus grande partie de la nation n’y soit faite que pour servir à la volupté de l’autre. Cette servitude est récompensée par la paresse dont on fait jouir de pareils esclaves ; ce qui est encore, pour l’état, un nouveau malheur.

C’est cette paresse qui rend les serrails d’orient[2] des lieux de délices, pour ceux mêmes contre qui ils sont faits. Des gens qui ne craignent que le travail peuvent trouver leur bonheur dans ces lieux tranquilles. Mais on voit que par-là on choque même l’esprit de l’établissement de l’esclavage.

La raison veut que le pouvoir du maître ne s’étende point au-delà des choses qui sont de son service : il faut que l’esclavage soit pour l’utilité, & non pas pour la


  1. Voyez Chardin, voyage de Perse.
  2. Idem, tome II, dans sa description du marché d’Izagour.