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ACADÉMIQUES.

connoissances qu’il se flatte[1]… celles qu’il ambitionne, celles qu’il désespère d’acquérir ?

Un troisième motif qui doit nous encourager aux sciences, c’est l’espérance bien fondée d’y réussir. Ce qui rend les découvertes de ce siècle si admirables, ce ne sont pas des vérités simples qu’on a trouvées, mais des méthodes pour les trouver ; ce n’est pas une pierre pour l’édifice, mais les instruments et les machines pour le bâtir tout entier.

Un homme se vante d’avoir de l’or ; un autre se vante d’en savoir faire : certainement le véritable riche seroit celui qui sauroit faire de l’or.

Un quatrième motif, c’est notre propre bonheur. L’amour de l’étude est presque en nous la seule passion éternelle ; toutes les autres nous quittent, à mesure que cette misérable machine qui nous les donne s’approche de sa ruine. L’ardente et impétueuse jeunesse, qui vole de plaisirs en plaisirs, peut quelquefois nous les donner purs, parce qu’avant que nous ayons eu le temps de sentir les épines de l’un, elle nous fait jouir de l’autre. Dans l’âge qui la suit, les sens peuvent nous offrir des voluptés, mais presque jamais des plaisirs. C’est pour lors que nous sentons que notre âme est la principale partie de nous-mêmes ; et, comme si la chaîne qui l’attache aux sens étoit rompue, chez elle seule sont les plaisirs, mais tous indépendants.

Que si dans ce temps nous ne donnons point à notre âme des occupations qui lui conviennent, cette âme, faite pour être occupée, et qui ne l’est point, tombe dans un ennui terrible qui nous mène à l’anéantissement ; et si, révol-

  1. Le mot manque à l’original. (Notes des éditeurs des Œuvres posthumes.)