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RÉFLEXIONS

M. le Président de Montesquieu développe avec beaucoup de finesse toutes ces causes. « Les richesses, selon lui, contribuent aussi quelquefois à nous ôter l’estime publique, à moins que l’on n’ait acquis auparavant tant d’honneur et tant de gloire, que les richesses soient pour ainsi dire venues d’elles-mêmes, comme un accessoire qui en est presque inséparable : pour lors, on jouit de ses richesses comme d’un vil prix de sa vertu. Qui est-ce qui a jamais été choqué des grands biens du prince Eugène ? Ils ne sont pas plus enviés que l’or que l’on voit dans les temples des Dieux. »

On trouve dans la réponse que fit M. le Directeur[1], un grand nombre de réflexions ingénieuses et sensées. Il distingue d’une manière fixe et précise la considération et la réputation ; il en développe ensuite la nature par leurs causes et par leurs effets.

« Une grande réputation, dit-il, ne s’acquiert que par des actions éclatantes ou des talents extraordinaires ; ainsi, peu de personnes peuvent y aspirer.

« Elle ne suppose pas même toujours un vrai mérite dans celui qui l’obtient. Comme une seule action la donne souvent, elle devient par là dépendante et assujettie au hasard des circonstances et au caprice des hommes.

« Le plaisir qu’elle procure, est à la vérité bien vif, mais il n’est pas durable, parce que les occasions d’en renouveler le sujet sont rares et difficiles.

« La considération au contraire, ajoute M. de Caupos est à la portée de tous les hommes ; chacun peut y prétendre suivant son état et la mesure de ses talents. Une suite de bonnes actions quoique peu brillantes, concilient l’estime et les égards de ceux qui en sont les témoins et l’objet.

« Elle ne s’acquiert jamais sans un fondement légitime, parce qu’elle est toujours le fruit d’une longue persévérance dans la pratique du bien et de la vertu.

D’ailleurs, continue M. de Caupos, elle procure une satisfaction douce, solide, durable ; chaque instant la renouvelle, chaque

  1. M. de Caupos, vicomte de Biscarosse, conseiller au Parlement de Guienne, ami et parent de Montesquieu, et l’un des membres les plus actifs de l’Académie de Bordeaux.