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DES DEVOIRS.

inutile encore sur les événements prévus, parce que toute révolution prévue n’arrive presque jamais.

L’auteur parcourt ensuite les plus grands événements de l’histoire. Il prouve qu’ils n’ont pu être préparés ni évités. « Qui auroit dit par exemple aux huguenots qui venoient avec une armée conduire Henri IV sur le trône, que leur secte seroit abattue par son fils et anéantie par son petit-fils ? Leur ruine totale étoit liée à des accidents qu’ils ne pouvoient pas prévoir. Ce qui fait, dit l’auteur, que la politique a si peu de succès, c’est que ses sectateurs ne connoissent jamais les hommes ; comme ils ont des vues fines et adroites, ils croient que tous les hommes les ont de même ; mais il s’en faut bien que tous les hommes soient fins ; ils agissent, au contraire, presque toujours par caprice ou par passion, ou agissent seulement pour agir et pour qu’on ne dise pas qu’ils ne font rien. Mais ce qui ruine les plus grands politiques c’est que la réputation qu’ils ont d’exceller dans leur art dégoûte presque tout le monde de traiter avec eux et qu’ils se trouvent par là privés de tous les avantages des conventions. »

L’auteur rapporte ensuite l’exemple de plusieurs princes qui ont réussi dans leurs desseins sans finesse et par les voies les plus simples.

L’ouvrage de M. le Président de Montesquieu a passé si rapidement dans nos mains qu’il ne m’a pas été possible d’en faire un extrait plus étendu. Je prévois que le public ne se payera point de cette excuse et qu’il regrettera encore plus ce que j’ai omis qu’il ne me saura gré de ce que je lui donne ; c’est précisément ce que j’ai éprouvé moi-même. Cet ouvrage est rempli d’un si grand nombre de traits vifs et sensés, qu’il m’a paru que je n’avois point de choix à faire, et que c’étoit une espèce de devoir pour moi de tout copier[1].

Je suis, Messieurs, etc.
A Bordeaux, 7 juillet 1723.
  1. Bibliothèque françoise ou Histoire littéraire de la France, t. VI, mars, 1726, p. 238-243, in-12. Amsterdam, chez Joan-Frédéric Bernard.

    M. Dospois a le premier appelé l’attention sur ce morceau et sur le suivant. Revue politique et littéraire, numéro du 14 novembre 1874.