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ACADÉMIQUES.

appartient. Ainsi, dans nos mœurs, il faut qu’un juge se conduise envers les parties de manière qu’il leur paroisse bien plutôt réservé que grave, et qu’il leur fasse voir la probité de Caton sans leur en montrer la rudesse et l’austérité.

J’avoue qu’il y a des occasions où il n’est point d’âme bienfaisante qui ne se sente indignée. L’usage qui a introduit les sollicitations semble avoir été fait pour éprouver la patience des juges qui ont du courage et de la probité. Telle est la corruption du cœur des hommes, qu’il semble que la conduite générale soit de la supposer toujours dans le cœur des autres.

vous qui employez pour nous séduire tout ce que vous pouvez vous imaginer de plus inévitable ; qui pour nous mieux gagner cherchez toutes nos foiblesses ; qui mettez en œuvre la flatterie, les bassesses, le crédit des grands, le charme de nos amis, l’ascendant d’une épouse chérie, quelquefois même un empire que vous croyez plus fort ; qui, choisissant toutes nos passions, faites attaquer notre cœur par l’endroit le moins défendu : puissiez-vous à jamais manquer tous vos desseins, et n’obtenir que de la confusion dans vos entreprises ! Nous n’aurons pointa vous faire les reproches que Dieu fait aux pécheurs dans les livres saints, Vous m’avez fait servir à vos iniquités[1] ; nous résisterons à vos sollicitations les plus hardies, et nous vous ferons sentir la corruption de votre cœur et la droiture du nôtre.

Il faut que la justice soit universelle. Un juge ne doit pas être comme l’ancien Caton, qui fut le plus juste sur son tribunal, et non dans sa famille. La justice doit être

  1. Isaïe, XLIII, 24.