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OBSERVATIONS

observations, ne pouvant se faire valoir de ce côté-là que par le mince mérite de l’exactitude, doivent au moins y apporter le plus de soin qu’il est possible.

Nous fîmes prendre des grenouilles de terre, que nous jugeâmes, par le lieu où on les avoit trouvées, n’avoir jamais été sous l’eau, et avoir toujours respiré : on les mit au fond de l’eau près de deux fois vingt-quatre heures ; et lorsqu’on les tira, elles n’en parurent point incommodées. Ceci ne laissa pas de nous surprendre : car, outre que nous avions lu le contraire chez des auteurs qui assurent, que ces animaux sont obligés de sortir de temps en temps de dessous l’eau pour respirer, nous trouvions cette observation si différente de la précédente, que nous ne savions que croire de l’usage du trou ovale et du conduit botal. Enfin nous nous ressouvînmes que nous avions observé, plusieurs mois auparavant, que le cœur des grenouilles n’a qu’un ventricule, de manière que le sang va, par le cœur, de la veine cave dans l’aorte, sans passer par les poumons ; ce qui fait que la respiration est inutile à ces animaux, quoiqu’ils meurent dans la machine pneumatique, dont la raison est qu’ils ont toujours besoin d’un peu d’air qui, par son ressort, entretienne la fluidité du sang : mais il en faut si peu, que celui qu’ils prennent dans l’eau ou par les aliments leur suffit.

VII. On sait que le froment, le seigle, et l’orge même, ne viennent pas dans tous les pays ; mais la nature y supplée par d’autres plantes : il y en a quelques-unes qui sont un poison mortel, si on ne les prépare, comme la cassave, dont le jus est si dangereux. On fait, en quelques endroits de Norwége ou d’Allemagne, du pain avec une espèce de terre, dont le peuple se nourrit, qui se conserve quarante ans sans se gâter : quand un paysan a pu parve-