Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t7.djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée
32
DISCOURS

de raisonner par la cause formelle, il regardoit la transparence comme une idée claire, quoiqu’elle ne puisse paroître telle qu’à ceux qui savent déjà ce que c’est que la lumière.

La plupart des modernes croient que la transparence est l’effet de la rectitude des pores, lesquels peuvent, selon eux, facilement transmettre l’action de la lumière.

Un de nos confrères a cru devoir douter des pores droits, en disant que si l’on coupe un cube de verre, il transmet la lumière de tous côtés. Pour moi, j’avoue que cette hypothèse des pores droits me paroît plus ingénieuse que vraie : je ne trouve pas que cette régularité s’accorde avec l’arrangement fortuit qui produit toutes les formes. Il me semble que cette idée des pores droits ne rend pas raison de la question dont il s’agit ; car ce n’est pas de ce que quelques corps sont transparents que je suis embarrassé, mais de ce qu’ils ne sont pas tous transparents.

Il est impossible qu’il y ait sur la terre une matière si condensée qu’elle ne donne passage aux globules. Supposez des pores aussi tortus que vous voudrez ; il faut qu’ils laissent passer la lumière, puisque la matière éthérée pénètre tous les corps.

Les corps sont donc tous transparents d’une manière absolue ; mais ils ne le sont pas tous d’une manière relative. Ils sont tous transparents, parce qu’ils laissent tous passer des rayons de lumière ; mais il n’en passe pas toujours en assez grand nombre pour former sur la rétine l’image des objets.

On voit par les expériences de Newton que tous les corps colorés absorbent une partie des rayons, et renvoient l’autre : ils sont donc opaques en tant qu’ils renvoient les rayons, et transparents en tant qu’ils les absorbent.