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LETTRES FAMILIÈRES.


l’avis de milord Eliban, sur la vérité du portrait que vous avez fait d’elle [1].

Il faut que je vous consulte sur une chose, car je me suis toujours bien trouvé de vous consulter. L’auteur des Nouvelles ecclésiastiques m’a attribué, dans une feuille du 4 juin, que je n’ai vue que fort tard, une brochure intitulée Suite de la défense de l'Esprit des lois, faite par un protestant [2], écrivain habile, et qui a infiniment d’esprit.

L’ecclésiastique me l’attribue pour en prendre le sujet de me dire des injures atroces. Je n’ai pas jugé à propos de rien dire : 1° par mépris ; 2° parce que ceux qui sont au fait de ces choses savent que je ne suis point auteur de cet ouvrage, de sorte que toute cette manœuvre tourne contre le calomniateur. Je ne connois point l’air actuel du bureau de Paris ; et si ces feuilles ont pu faire impression sur quelqu’un, c’est-à-dire si quelqu’un a cru que je fusse l’auteur de cet ouvragé, que sûrement un catholique ne peut avoir fait, seroit-il à propos que je donnasse une petite réponse

  1. Cette dame étant un jour en habit d’amazone, à la campagne, à Montigny, il en avoit fait le portrait dans un sonnet. Ce sonnet ayant été lu à milord Éliban, qui ne la connoissoit pas, il dit que ce ne pouvoit être qu’un portrait flatté ; et ayant depuis fait connoissance avec elle, il reprochoit à l’auteur de n’en avoir pas assez dit. (G.)

    Une lettre de Montesquieu à Madame Dupré de Saint-Maur, dont nous ne connaissons que le résumé, montre tout l’attachemont du président pour cette dame. Dans cette lettre, datée de la Brède ce 13 octobre 1753, Montesquieu la remercie de lui avoir rappelé le souvenir de M. de Trudaine et de M. Bouvart, auquel son petit-fils doit la vie et la santé. Qu’elle ne lui parle pas du piège. Il est outré de voir que les affaires s’aigrissent et que les vieilles haines s’enveniment. « Il n’y a lien de pire, dit-il, que de perdre l’amour et du prince présent et peut-être des futurs.. » Ses yeux le forcent à l’oisiveté...» Je suis occupé ici à faire faire du nectar ; le malheur est qu’Hébé ne le versera point dans ma coupe. »

  2. L’auteur de cet écrit, in-12, Berlin, 1751, étoit la Beaumelle. On l'attribua faussement à Montesquieu. Il y a une lettre de lui qui dément cette imputation. V. sup., t. VI, page 218.