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LETTRES FAMILIÈRES.


ne vous ait pas été favorable. J’ai fait un petit raggiro, au moyen duquel votre ouvrage n’est plus entre les mains de M. Bottari ; un autre est chargé d’en faire le rapport. Ainsi nous voilà à recommencer, et c’est du temps de gagné. Votre nouveau rapporteur s’appelle M. Aimaldi, secrétaire des lettres latines, et homme qui a véritablement de la littérature ; je sais même qu’il est admirateur de votre ouvrage, et je le lui ai entendu dire dans le temps où il ne pensoit pas à être chargé de le rapporter à la Congrégation de l'Index ; outre cela, il est mon ami ; mais cependant il ne faut pas espérer que son jugement soit favorable, parce que la crainte de passer pour trop tolérant aura plus de force sur lui que sa propre opinion ; mais il m’a promis qu’il procéderoit avec beaucoup de circonspection, par où nous gagnerons encore du temps, et c’est tout ce qu’il nous faut ; du moins c’est tout ce que je puis, car il ne faut pas se flatter de terminer autrement que par une insensible transpiration, et en la traînant si longtemps que cela la fasse oublier, ce qui n’est pas même fort aisé, car quand une fois un livre est dénoncé ici, vous ne sauriez croire avec quelle ardeur quatre zélés et quatre mille hypocrites le poursuivent.

Comptez, monsieur, que je veille et veillerai attentivement à vos intérêts et vous supplie de croire que je ne désire rien plus vivement que de vous témoigner le sincère et inviolable attachement avec lequel j’ai l’honneur d’être, etc.


Rome, 24 avril 1751.


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