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LETTRES FAMILIÈRES.


gnie chez elle, et elle voudroit bien fort que vous augmentassiez le cercle, et moi aussi. Vous me feriez un grand plaisir, si vous vouliez faire un peu ma cour à M. le prince de Craon, et lui dire combien je serois content de la fortune, si elle m’avoit, par hasard, dans quelque moment de ma vie, approché de lui : en attendant, je fais ma cour à un homme qui le représentera bien ; c’est M. le prince de Beauvau [1] : soyez sûr qu’il y a en lui plus d’étoffe qu’il n’en faut pour faire un grand homme. Je me pique de savoir deviner les gens qui iront à la gloire ; et je ne me suis pas beaucoup trompé.

A l’égard de mon ouvrage [2], je vous dirai mon secret. On l’imprime dans les pays étrangers. Je continue à vous dire ceci dans un grand secret. Il aura deux volumes in quarto, dont il y en a un d’imprimé ; mais on ne le débitera que lorsque l’autre sera fait : sitôt qu’on le débitera, vous en aurez un que je mettrai entre vos mains, comme l’hommage que je vous fais de mes terres. J’ai pensé me tuer depuis trois mois, afin d’achever un morceau que je veux y mettre, qui sera un livre de l’origine et des révolutions de nos lois civiles de France [3]. Cela formera trois heures de lecture ; mais je vous assure que cela m’a coûté tant de travail, que mes cheveux en sont blanchis. Il faudroit, pour que mon ouvrage fût complet, que je pusse achever deux livres sur les lois féodales [4]. Je crois avoir fait des découvertes sur une matière la plus obscure que nous ayons,

    avec Mme Geoffrin. V. inf, les dernières lettres que lui adressa Montesquieu, en 1754 et 1755.

  1. Fils du prince de Craon et depuis maréchal de France.
  2. L'Esprit des Lois.
  3. C’est le livre XXVIII qui n’a pas moins de XLV chapitres et qui forme un ouvrage complet.
  4. Ce sont les livres XXX et XXXI.