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LETTRES FAMILIÈRES.

avec celle de Vienne ; par conséquent, les raisons qui vous détournèrent, en quittant le Piémont, de passer au service autrichien[1] cessent dans les circonstances présentes ; je ne vois pas même de meilleur moyen de vous moquer de l’inimitié du marquis d’Orméa que de servir une cour alliée dans laquelle, en considérant ce qui s’est passé[2] autrefois, il ne doit pas avoir beaucoup de crédit. Vous êtes prudent et sage ; ainsi je soumets à votre jugement des conjectures auxquelles le désir sincère de vos avantages a peut-être autant de part que la raison. J’apprendrai avec bien du plaisir le parti que vous aurez pris, et j’ai l’honneur de vous assurer de mon respect.

1742.
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  1. Comme durant la guerre qui venoit de se terminer entre les cours de Vienne et de Turin les comtes de Guasco avoient fait toutes les campagnes au service de la dernière, en quittant ce service ils crurent ne devoir pas fournir au marquis d’Orméa l’occasion de noircir cette démarche en entrant alors au service de la cour de Vienne, de peur d’attirer par là de nouveaux chagrins à leur père qui vivoit encore. Ils prirent en conséquence la résolution de passer en Russie, puissance sous laquelle ils ne se trouveroient jamais dans le cas de porter les armes contre leur souverain et qui, en ce temps-là, offroit beaucoup d’avantages aux étrangers qui voudroient entrer à son service. Mais la dureté du climat et les révolutions dont ils furent témoins, les déterminèrent à profiter de la guerre survenue en Allemagne, à la suite de la mort de l’empereur Charles VI, pour suivre leur première inclination pour le service de la maison d’Autriche. (G.)
  2. Sous son ministère, la cour de Turin, dans la guerre précédente, avoit abandonné l’alliance avec la cour de Vienne, et étoit devenue alliée de la France. On prétend que le marquis d’Orméa, dans cette occasion, avoit proposé, pour prix d’une négociation avec la cour de Vienne, qu’il passeroit à son service et qu’il y auroit une charge considérable ; de quoi l’empereur Charles VI avertit le roi de Sardaigne, en envoyant, sous d’autres prétextes, à Turin, le prince T… qui dovoit faire connoitre la chose au roi, sans que le ministre se doutât de sa commission. (G.)