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LETTRES FAMILIÈRES.

monde dont le souvenir m’est plus cher, et avec qui je voudrois le plus vivre ; et vivre avec vous, c’est vous aimer.

Je suis actuellement à Bordeaux, où je jouis des douceurs de mes amis et de ma patrie. M. le président Barbot, secrétaire de notre académie, est un des hommes du monde que j’aime le plus ; il s’est toujours appliqué aux sciences, mais comme un gentilhomme. Il sait comme les savants, et a de l’ardeur comme les Mécènes ; vous méritez l’un et l’autre d’être amis, quoique éloignés, parce que s’il étoit à Londres et vous à Bordeaux, vous vous chercheriez sans cesse. Je vous envoie un mémoire auquel je vous supplie de vouloir bien répondre ; ayez la bonté de lui faire réponse à son adresse : A M. le président Barbot secrétaire de l’Académie des belles-lettres, sciences et arts de Bordeaux.

Notre Académie de Bordeaux ne laisse pas que de commencer à fleurir, soit par un grand nombre de personnes distinguées qui en sont, soit par les bienfaits et les dons que quelques membres de cette Société lui ont faits qui la mettent en état d’encourager les sciences. J’y ai presque tous les amis que j’ai dans ce pays-ci, et il me semble que je serois charmé si je vous voyois en augmenter le nombre ; et si une place vous convenoit, M. Barbot et moi, nous ferions un grand honneur de vous en faire ouvrir les portes à deux battants ; il ne faudroit pour cela qu’écrire à lui ou à moi. Souvenez-nous que vous nous avez promis M. votre fils pour un an à Bordeaux ; nous les mettrons en bonne compagnie, et nous ferons tout ce qui sera en nous pour qu’il ressemble un jour à son père. Peut-être qu’une des grandes villes de province qu’il y ait [en France[1]], pour un jeune homme qui trouve bonne compagnie d’hon-

  1. La copie porte : à Paris.