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DISCOURS

s’être cachée pendant tant d’années, elle se montra tout à coup dans le siècle passé ; moment bien favorable pour les savants d’alors, qui virent ce que personne avant eux n’avoit vu. On fit dans ce siècle tant de découvertes, qu’on peut le regarder non-seulement comme le plus florissant, mais encore comme le premier âge de la philosophie, qui, dans les siècles précédents, n’étoit pas même dans son enfance : c’est alors qu’on mit au jour ces systèmes, qu’on développa ces principes, qu’on découvrit ces méthodes si fécondes et si générales. Nous ne travaillons plus que d’après ces grands philosophes ; il semble que les découvertes d’à présent ne soient qu’un hommage que nous leur rendons, et un humble aveu que nous tenons tout d’eux : nous sommes presque réduits à pleurer, comme Alexandre, de ce que nos pères ont tout fait, et n’ont rien laissé à notre gloire.

C’est ainsi que ceux qui découvrirent un nouveau monde dans le siècle passé, s’emparèrent des mines et des richesses qui y étoient conservées depuis si longtemps, et ne laissèrent à leurs successeurs que des forêts à découvrir, et des sauvages à reconnoître.

Cependant, messieurs, ne perdons point courage : que savons-nous ce qui nous est réservé ? peut-être y a-t-il encore mille secrets cachés : quand les géographes sont parvenus au terme de leurs connoissances, ils placent dans leurs cartes des mers immenses et des climats sauvages ; mais peut-être que dans ces mers et dans ces climats il y a encore plus de richesses que nous n’en avons.

Qu’on se défasse surtout de ce préjugé, que la province n’est point en état de perfectionner les sciences, et que ce n’est que dans les capitales que les académies peuvent fleurir. Ce n’est pas du moins l’idée que nous en