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PENSÉES DIVERSES.

La raillerie est un discours en faveur de son esprit contre son bon naturel.

Les gens qui ont peu d’affaires sont de très-grands parleurs. Moins on pense, plus on parle : ainsi les femmes parlent plus que les hommes ; à force d’oisiveté elles n’ont point à penser. Une nation où les femmes donnent le ton est une nation parleuse[1].

Je trouve que la plupart des gens ne travaillent à faire une grande fortune que pour être au désespoir, quand ils l’ont faite, de ce qu’ils ne sont pas d’une illustre naissance.

Il y a autant de vices qui viennent de ce qu’on ne s’estime pas assez, que de ce que l’on s’estime trop.

Dans le cours de ma vie, je n’ai trouvé de gens communément méprisés que ceux qui vivaient en mauvaise compagnie.

Les observations sont l’histoire de la physique, les systèmes en sont la fable.

Plaire dans une conversation vaine et frivole est aujourd’hui le seul mérite ; pour cela le magistrat abandonne l’étude des lois ; le médecin croit être décrédité par l’étude de la médecine ; on fuit comme pernicieuse toute étude qui pourrait ôter le badinage[2].

Rire pour rien, et porter d’une maison dans l’autre une chose frivole, s’appelle science du monde. On craindrait de perdre celle-là, si l’on s’appliquait à d’autres.

Tout homme doit être poli, mais aussi il doit être libre.

La pudeur sied bien à tout le monde ; mais il faut savoir la vaincre, et jamais la perdre.

Il faut que la singularité consiste dans une manière

  1. La Place a lu : une nation paresseuse.
  2. La Place a lu : qui pourrait nuire au badinage.