Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t7.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
PENSÉES DIVERSES.

Le prince doit avoir l’œil sur l’honnêteté publique, jamais sur les particuliers.

Il ne faut point faire par les lois ce qu’on peut faire par les mœurs.

Les préambules des édits de Louis xiv furent plus insupportables aux peuples que les édits mêmes.

Les princes ne devroient jamais faire d’apologies : ils sont toujours trop forts quand ils décident, et foibles quand ils disputent. Il faut qu’ils fassent toujours des choses raisonnables, et qu’ils raisonnent fort peu.

J’ai toujours vu que, pour réussir dans le monde, il fallait avoir l’air fou, et être sage.

En fait de parure, il faut toujours rester au-dessous de ce qu’on peut.

Je disois à Chantilly que je faisois maigre, par politesse ; M. le duc étoit dévot.

Le souper tue la moitié de Paris ; le dîner l’autre.

Je hais Versailles, parce que tout le monde y est petit ; j’aime Paris, parce que tout le monde y est grand.

Si on ne vouloit qu’être heureux, cela seroit bientôt fait ; mais on veut être plus heureux que les autres ; et cela est presque toujours difficile, parce que nous croyons les autres plus heureux qu’ils ne sont.

Les gens qui ont beaucoup d’esprit tombent souvent dans le dédain de tout.

Je vois des gens qui s’effarouchent des digressions ; je crois que ceux qui savent en faire sont comme les gens qui ont de grands bras : ils atteignent plus loin.

Deux espèces d’hommes : ceux qui pensent et ceux qui amusent.

Une belle action est celle qui a de la bonté, et qui demande de la force pour la faire.