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II
PRÉFACE DE L’ÉDITEUR.

J’en dirai autant de ses Pensées diverses ; je connais peu de recueils de ce genre qui contiennent autant d’idées neuves finement exprimées. On ne leur rend pas assez justice. L’éclat des Lettres Persanes, de la Grandeur des Romains, de l’Esprit des lois a jeté dans l’ombre ces ébauches ; mais nous vivons en un temps où, par un amour outré de la simplicité, on préfère le premier jet de l’artiste au tableau le plus achevé. A ce titre, les Pensées et les Lettres de Montesquieu se recommandent au lecteur et sont de nature à éveiller un intérêt nouveau pour un écrivain qu’on cite plus souvent qu’on ne le lit.

On assure qu’à La Brède, les héritiers de Montesquieu possèdent, parmi ses papiers, un manuscrit en trois volumes in-4º contenant les réflexions du président sur ses lectures journalières. Que de choses nouvelles, que de jugements ingénieux, un éditeur ne pourrait-il pas tirer de ce recueil ! et qu’il est fâcheux que les descendants de ce grand ancêtre n’aient pas un culte plus fervent pour celui à qui ils doivent toute la gloire de leur nom !

Il y a encore à La Brède, nous dit-on, des œuvres de la jeunesse de Montesquieu, notamment un conte intitulé le Métempsycologiste, ou, suivant une autre version, la Métempsycologie. C’est probablement un roman oriental ou mythologique, de même origine que le Temple de Gnide et le Voyage à Paphos. Sa publication n’aurait peut-être qu’un intérêt de curiosité et n’ajouterait rien au renom de l’auteur ; mais il y a aussi, parmi les trésors de La Brède, les Notes de voyages d’un homme qui voyait si bien et si loin ; il y a enfin une Correspondance avec son aimable fille Denise, avec Mme du Deffand, la maréchale de Mirepoix, la duchesse d’Aiguillon, le chevalier d’Aydies, le président Hénault, etc., etc. Rien ne serait plus curieux que de connaître de plus près cette société de la première moitié du XVIIIe siècle, société plus instruite, plus élégante, et d’un esprit plus français que les déclamateurs à la Jean-Jacques et les précurseurs de la révolution. On nous promet depuis longtemps la communication de ces richesses ; qu’on veuille bien se presser un peu : Montesquieu appartient à la France, et tous ceux qui vivent de sa pensée ont quelque droit de réclamer l’ouverture de sa succession.