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ESSAI

Les sources du beau, du bon, de l’agréable, etc., sont donc dans nous-mêmes ; et en chercher les raisons, c’est chercher les causes des plaisirs de notre âme.

Examinons donc notre âme, étudions-la dans ses actions et dans ses passions, cherchons-la dans ses plaisirs ; c’est là où elle se manifeste davantage. La poésie, la peinture, la sculpture, l’architecture, la musique, la danse, les différentes sortes de jeux, enfin les ouvrages de la nature et de l’art peuvent lui donner du plaisir : voyons pourquoi, comment et quand ils le lui donnent ; rendons raison de nos sentiments : cela pourra contribuer à nous former le goût, qui n’est autre chose que l’avantage de découvrir avec finesse et avec promptitude la mesure du plaisir que chaque chose doit donner aux hommes.


DES PLAISIRS DE NOTRE AME.

L’âme, indépendamment des plaisirs qui lui viennent des sens, en a qu’elle aurait indépendamment d’eux, et qui lui sont propres : tels sont ceux que lui donnent la curiosité, les idées de sa grandeur, de ses perfections, l’idée de son existence, opposée au sentiment du néant, le plaisir d’embrasser tout d’une idée générale, celui de voir un grand nombre de choses, etc., celui de comparer, de joindre et de séparer les idées. Ces plaisirs sont dans la

    des qualités positives toutes les qualités relatives de notre âme ; ce qui fait que ces dialogues où Platon fait raisonner Socrate, ces dialogues si admirés des anciens, sont aujourd’hui insoutenables, parce qu’ils sont fondés sur une philosophie fausse ; car tous ces raisonnements tirés sur le bon, le beau, le parfait, le sage, le fou, le dur, le mou, le sec, l’humide, traités comme des choses positives, ne signifient plus rien. » (V. Inf. Pensées, p. 159.)