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ESSAI
SUR LE GOÛT


DANS LES CHOSES


DE LA NATURE ET DE L’ART




Dans notre manière d’être actuelle, notre âme goûte trois sortes de plaisirs : il y en a qu’elle tire du fond de son existence même ; d’autres qui résultent de son union avec le corps ; d’autres enfin qui sont fondés sur les plis et les préjugés que de certaines institutions, de certains usages, de certaines habitudes, lui ont fait prendre.

Ce sont ces différents plaisirs de notre âme qui forment les objets du goût, comme le beau, le bon, l’agréable, le naïf, le délicat, le tendre, le gracieux, le je ne sais quoi, le noble, le grand, le sublime, les majestueux, etc. Par exemple, lorsque nous trouvons du plaisir à voir une chose avec une utilité pour nous, nous disons qu’elle est bonne ; lorsque nous trouvons du plaisir à la voir, sans que nous y démêlions une utilité présente, nous l’appelons belle[1].

  1. Après ce paragraphe on lit dans le texte de l’Encyclopédie :

    « Les anciens n’avaient pas bien démêlé ceci : ils regardaient comme