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ÉLOGE DE BERWICK.

de pénétrer en France : ils faisoient l’éloge du maréchal de Berwick, et je ne le savois pas.

M. le marchal de Berwick, par ce plan de défense, se trouva en état de n’avoir besoin que d’une petite armée, et d’envoyer au roi vingt bataillons[1] : c’étoit un grand présent dans ce temps-là.

Il y auroit bien de la sottise à moi de juger de sa capacité pour la guerre, c’est-à-dire pour une chose que je ne puis entendre. Cependant, s’il m’étoit permis de me hasarder, je dirois que, comme chaque grand homme, outre sa capacité générale, a encore un talent particulier dans lequel il excelle, et qui fait sa vertu distinctive ; je dirois que le talent particulier de M. le maréchal de Berwick étoit de faire une guerre défensive, de relever des choses désespérées, et de bien connoître toutes les ressources que l’on peut avoir dans les malheurs. Il falloit bien qu’il sentît ses forces à cet égard : je lui ai souvent entendu dire que la chose qu’il avoit toute sa vie le plus souhaitée, c’étoit d’avoir une bonne place à défendre.

La paix fut signée à Utrecht en 1713. Le roi mourut le premier de septembre 1715 : M. le duc d’Orléans fut régent du royaume. M. le maréchal de Berwick fut envoyé commander en Guienne. Me permettra-t-on de dire que ce fut un grand bonheur pour moi, puisque c’est là que je l’ai connu ?

Les tracasseries du cardinal Alberoni firent naître la guerre que M. le maréchal de Berwick fit sur les frontières d’Espagne. Le ministère ayant changé par la mort de M. le duc d’Orléans, on lui ôta le commandement de Guienne. Il partagea son temps entre la cour, Paris et sa maison de Fitz-

  1. var. Vingt escadrons.