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ACADÉMIQUES.

été malheureux. Il abandonna à sa patrie jusqu’à sa justification même ; il apprit de la philosophie qu’il n’y a pas moins de force à savoir soutenir les injures que les malheurs ; et, laissant au public ses jugements toujours aveugles, il se borna à la consolation de voir ses disgrâces respectées par quelques fidèles amis. Ainsi la patrie, qui a un droit réel sur nos biens et sur nos vies, exige quelquefois que nous lui sacrifiions notre gloire : ainsi presque tous les grands hommes, chez les Grecs et chez les Romains, souffroient sans se plaindre que leur ville flétrît leurs services.

M. le duc de la Force a passé les dernières années de sa vie dans une espèce de retraite. Il n’étoit point de ceux qui ont besoin de l’embarras des affaires pour remplir le vide de leur âme : la philosophie lui offroit de grandes occupations, une magnifique économie, un jugement universel. Il vivoit dans les douceurs d’une société paisible, entouré d’amis qui l’honoroient, toujours charmé de le voir, et toujours ravis de l’entendre. Et, si les morts ont encore quelque sensibilité pour les choses d’ici-bas, puisse-t-il apprendre que sa mémoire nous est toujours chère ! puisse-t-il nous voir occupés à transmettre à la postérité le souvenir de ses rares qualités.

Comme on voit croître les lauriers sur le tombeau d’un grand poète, il semble que l’académie renaisse des cendres mêmes de son protecteur. Trois ans entiers s’étoient écoulés sans que nous eussions pu donner une seule couronne, et, ne voyant pas que les savants fussent moins appliqués, nous commencions à croire qu’ils avoient perdu la confiance qu’ils avoient en nos jugements. Nous avons cette année annoncé trois prix, et deux ont été donnés.

De toutes les dissertations que nous avons reçues « sur