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LIVRE XXXI, CHAP. XXVIII.


les fiefs passèrent à des parents plus éloignés. Il suivit de là que la plupart des seigneurs, qui relevoient immédiatement de la couronne, n’en relevèrent plus que médiatement. Ces comtes, qui rendoient autrefois la justice dans les plaids du roi ; ces comtes, qui menoient les hommes libres à la guerre, se trouvèrent entre le roi et ses hommes libres ; et la puissance se trouva encore reculée d’un degré.

Il y a plus : il paroît par les capitulaires que les comtes avoient des bénéfices attachés à leur comté, et des vassaux sous eux [1]. Quand les comtés furent héréditaires, ces vassaux du comte ne furent plus les vassaux immédiats du roi ; les bénéfices attachés aux comtés ne furent plus les bénéfices du roi ; les comtes devinrent plus puissants, parce que les vassaux qu’ils avoient déjà les mirent en état de s’en procurer d’autres.

Pour bien sentir l’affaiblissement qui en résulta à la fin de la seconde race, il n’y a qu’à voir ce qui arriva au commencement de la troisième, où la multiplication des arrière-fiefs mit les grands vassaux au désespoir.

C’étoit une coutume du royaume que, quand les aînés avoient donné des partages à leurs cadets, ceux-ci en faisoient hommage à l’aîné [2] ; de manière que le seigneur dominant ne les tenoit plus qu’en arrière-fief. Philippe Auguste, le duc de Bourgogne, les comtes de Nevers, de Boulogne, de Saint-Paul, de Dampierre, et autres seigneurs, déclarèrent que dorénavant, soit que le fief fût

  1. Le capitulaire III de l'an 812. art. 7 ; et celui de l'an 815, art. 6, sur les Espagnols ; le recueil des Capitulaires, liv. V, art. 288 ; et le capitulaire de l’an 800, art. 2 ; et celui de l'an 877, art. 13, édit. de Baluze. (M.)
  2. Comme il paroît par Othon de Frissingue, des Gestes de Frédéric, liv. II, ch. XXIX. (M.)