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LIVRE XXXI, CHAP. XX.

Les enfants de l’empereur, pour maintenir leurs partages, sollicitèrent le clergé, et lui donnèrent des droits inouïs jusqu’alors. Ces droits étoient spécieux ; on faisoit entrer le clergé en garantie d’une chose qu’on avoit voulu qu’il autorisât. Agobard [1] représenta à Louis le Débonnaire qu’il avoit envoyé Lothaire à Rome pour le faire déclarer empereur ; qu’il avoit fait des partages à ses enfants, après avoir consulté le ciel par trois jours de jeûnes et de prières. Que pouvoit faire un prince superstitieux, attaqué d’ailleurs [2] par la superstition même ? On sent quel échec l’autorité souveraine reçut deux fois, par la prison de ce prince et sa pénitence publique. On avoit voulu dégrader le roi, on dégrada la royauté.

On a d’abord de la peine à comprendre comment un prince, qui avoit plusieurs bonnes qualités, qui ne manquoit pas de lumières, qui aimoit naturellement le bien, et, pour tout dire enfin, le fils de Charlemagne, pût avoir des ennemis si nombreux [3], si violents, si irréconciliables, si ardents à l’offenser, si insolents dans son humiliation, si déterminés à le perdre ; et ils auroient perdu deux fois sans retour, si ses enfants, dans le fond plus honnêtes gens qu’eux, eussent pu suivre un projet, et convenir de quelque chose [4].

  1. Voyez ses lettres. (M.)
  2. D’ailleurs n’est pas dans A. B.
  3. Voyez le procès-verbal de sa dégradation dans le recueil de Duchesne, tome II, p. 331. Voyez aussi sa Vie écrite par Tégan. Tanto enim odio laborabat, ut tœderet eos vita ipsius, dit l’Auteur incertain, dans Duchesne, tome II, p. 307. (M.)
  4. Ce dernier paragraphe manque dans A. B.
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