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ET LA CENSURE.

La plus sérieuse exigence des magistrats s’applique à deux passages que Montesquieu remit dans une seconde édition publiée en Hollande, mais qu’il fut contraint d’ôter pour paraître en France, et qu’il supprima définitivement. Il s’agit d’une note page 13, et d’un alinéa qui termine le chapitre XII, qui tous deux justifiaient le suicide.


Si Charles Ier, si Jacques II avoient vécu dans une religion qui leur eût permis de se tuer, ils n’auroient pas eu à soutenir l’un une telle mort, l’autre une telle vie.

Il est certain que les hommes sont devenus moins libres, moins courageux, moins portés aux grandes entreprises qu’ils n’étoient, lorsque, par cette puissance qu’on prenoit sur soi-même, on pou voit à tous les instants échapper à toute autre puissance.

J’arrive à l’Esprit des Lois. La première édition contient quatorze cartons, qui sont intéressants, puisque d’Argenson tenait à ce que le public ne les connût pas, et que le résident de Genève lui écrivait, à leur sujet, la lettre suivante :


A Genève, le 17 février 1749.
Monseigneur,

J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 31 du mois dernier, par laquelle vous m’ordonnez de vous envoyer les cartons du traité de l'Esprit des Lois. Si je n’y ai pas répondu plus tôt, c’est que j’ai trouvé quelque difficulté pour exécuter cet ordre. On a d’abord exigé de moi que je m’engageasse positivement qu’il ne serait fait de ces cartons aucun usage qui pourroit préjudicier à l’auteur ou à l’imprimeur. J’ai eu cette facilité, dans la persuasion que vous voudrez bien, monseigneur, ne pas me désavouer. Ensuite on a prétendu que ces cartons étoient dans les maculatures, qu’on en avoit brûlé beaucoup, et qu’il serait difficile d’en rassembler l’assortiment. Enfin on m’a fourni ceux que vous trouverez ci-joints. Il y en a un ou deux qui