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DE L’ESPRIT DES LOIS.


le règne de Louis XIV au plus haut point de sa grandeur relative », car, disent-ils, ce que la France semble avoir perdu d’un côté par rapport à sa grandeur relative, elle l'a regagné de l’autre par l’affoiblissement de sa rivale, par l’augmentation de son commerce, par la réunion de la Lorraine.

Mais ont-ils fait attention, que si l’Autriche a été abaissée, l’Angleterre s’est élevée au plus haut degré de puissance, et que sa marine et son commerce, en lui conférant l’orgueilleux empire de la mer, l’approchent infiniment plus de la monarchie universelle que toutes les conquêtes de provinces ? Ont-ils fait attention qu’il s’est formé dans le Nord deux puissances redoutables qu’on n’y connoissoit pas le siècle passé [1] et que l’Europe a, par conséquent, acquis deux nouveaux corps pour maintenir son équilibre, équilibre beaucoup mieux connu ? Ont-ils consulté l’histoire, qui leur auroit dit que cette même partie du monde, aujourd’hui si indocile aux volontés de la France, « se taisoit » devant Louis XIV ?

Ils attaquent son système favori des climats en prouvant par l’exemple des Lapons « qu’on n’a pas plus de vigueur, plus de hardiesse, plus de courage dans les climats froids que dans les climats chauds » et par l’exemple des peuples de la zone torride, « qu’on n’a pas plus de sensibilité dans les pays chauds que dans les pays froids. »

Il leur auroit été aisé de l’attaquer avec les mêmes armes par bien d’autres endroits ; mais une réflexion suffit pour repousser tous ces assauts ; c’est que M. de M... n’a nullement prétendu parler des peuples brûlés par un soleil ardent ou glacés par un froid extrême : ces peuples sor-

  1. La Prusse et la Russie