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SUITE DE LA DÉFENSE


ner à son texte le sens que lui ont donné les critiques, il ne s’ensuivrait pas qu’il ôte à l’Être suprême sa liberté ; au contraire, on pourrait prouver qu’il lui attribue celle qui est la plus parfaite.

Les critiques ne sont pas plus heureux sur l’article de la tolérance civile que sur les autres. Cette matière a été si bien éclaircie par Bayle, par Noodt et par Locke, que je ne conçois pas leur aveuglement à ramener les futiles objections des intolérants. Les journalistes de Trévoux, qui ne manquent jamais de confirmer le public dans l’idée qu’ils lui ont donnée de leur caractère et de leur jugement depuis tant d’années, ont jugé à propos de copier en ceci les gazetiers jansénistes. Tant qu’il s’agira de pendre, de brûler, de dragonner : molinistes et jansénistes, tous se réuniront pour la persécution ; cela a été et sera toujours.

Mais laissons déclamer les deux partis contre les principes orthodoxes de la tolérance. Est-il besoin de réfuter qui se réfute soi-même ? Les uns et les autres ne reçoivent-ils pas ce principe, que la conscience errante entre dans tous les droits de la conscience éclairée ? Ils se battront eux-mêmes, les premiers, tant qu’ils crieront contre les lois pénales établies en Angleterre ; les seconds, tant qu’ils invoqueront la tolérance contre l’oppression. Les gens sensés se méfieront toujours d’un dogme pratique, bon, employé contre les protestants ; mauvais, employé contre les anti-constitutionnaires ; d’un dogme, vrai à Calais et faux à Douvres, respecté dans l’un, détesté dans l’autre.

M. de M... prétend non-seulement qu’on doit laisser les consciences libres, mais encore qu’on doit permettre la liberté du raisonnement.

Les gazetiers répondent à cet article de la Défense que Spinosa en dit autant.