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DE L’ESPRIT DES LOIS.


dans un autre traité ? Croiroit-on que des critiques, qui semblent vouloir se tirer du profond oubli où ils sont tombés, en se signalant par quelque inimitié illustre, aient osé avancer un fait entièrement faux, et dont il est si aisé de vérifier la fausseté ? Cela n’est pas croyable ; mais que voulez-vous ? On avoit avancé que M. de M... étoit spinosiste et déiste ; il falloit à tout prix qu’il le fût ; on l’avoit dit en dépit du sens commun : il falloit bien le soutenir en dépit de la vérité et de la vertu. L’absurdité de l’accusation sautoit aux yeux ; il falloit l’appuyer de l’imposture, et quoiqu’elle ne prouvât rien, on y a recouru ; on sauvoit du moins la contradiction.

On l’a accusé d’athéisme ! « Je serois athée, a-t-il dit, moi qui ai parlé contre la fatalité des athées, dans la première page de mon livre ? »

On lui répond que cela ne suffit pas, et qu’ « il falloit de plus ne rien dire dont les athées pussent s’autoriser ».

Et quels sont les athées qui abusent des paroles de M. de M... ? Je ne vois que les gazetiers qui s’en formalisent. D’ailleurs, est-il quelque chose qui soit à l’abri de l’abus ? Les athées s’autorisent bien des merveilles les plus étonnantes de la nature, des connoissances qu’ils ont de quelques principes, de cet axiome très-orthodoxe : Rien ne se fait de rien ! Point de livre où l’on ne voie l’athéisme en gros caractères, quand on y portera des yeux d’athée endurci ou de janséniste zélé ; quand on verra, comme le premier, un désordre monstrueux dans le plan le mieux conçu et le mieux exécuté, quand on verra, comme le second, le nœud de deux idées contradictoires. Les gazetiers ont trouvé tous les fondements du spinosisme dans un livre où Spinosa raisonne en philosophe