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SUITE DE LA DÉFENSE


M. de M... qu’un corps célèbre et nombreux se détermine à dire unanimement des injures à leurs ouvrages ? Ils n’auront pas moins à se féliciter, l’un d’avoir étendu la sphère du monde politique, l’autre d’avoir ouvert un monde nouveau aux curieux observateurs de la nature. Ils permettront volontiers à la Sorbonne de défendre encore à la France de croire aux antipodes. Aussi un de leurs docteurs renferma-t-il un grand sens en peu de mots, quand il dit en opinant : « Tenez, messieurs ! vous êtes de fort grands théologiens et peut-être d’aussi mauvais philosophes. Laissez donc là, si vous m’en croyez, les livres d’Académie et bornez-vous à des thèses de collège. »

Il est temps d’examiner la seconde partie. Elle est destinée à la réfutation de la Défense de l'Esprit des Lois. L’arbitraire domine dans la première ; la déraison règne toujours beaucoup dans celle-ci. Voyons, nous serons courts. Après M. de M... il y a peu à glaner.

On l’a accusé d’être spinosiste et déiste : « Ces deux idées, a-t-il répondu, sont contradictoires. » Que lui réplique-t-on ? On étale une mince érudition ; on allègue un grand nombre de passages où Spinosa établit le théisme et la révélation. On ajoute : « Un auteur (pourra-t-on dire) qui parle si dignement de Dieu, est-il spinosiste ? Non-seulement c’est un spinosiste, mais c’est Spinosa lui-même. Oui, dans ce même livre, où Spinosa parle de Dieu si dignement, Spinosa pose tous les fondements de son athéisme. »

A cet air de confiance, à ce oui décisif, croiroit-on qu’il n’est rien de plus faux ? Croiroit-on que, dans tout le Traité théologo-politique dont on cite le chapitre XIV, il n’y a pas un mot du système impie que Spinosa, orthodoxe dans le temps qu’il récrivit, répandit ensuite