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DE L’ESPRIT DES LOIS.

Le reproche est légitime : la religion chrétienne ne conseilla jamais le célibat, parce que Dieu, qui en est l’auteur, ne peut pas plus conseiller le mal que l’ordonner.

Quel respect mériteroit cette religion, si une fois il étoit bien prouvé que les livres sacrés attachent une idée de perfection au célibat ? Dans l’ouvrage de Dieu, pourroit-on trouver des choses contraires au bien de l’homme ? Non. Et le célibataire est ce figuier que le Fils de l’homme frappa de malédiction, parce qu’il ne portoit pas du fruit.

Aussi ne trouve-t-on dans aucun endroit de l’Écriture l’institution du célibat, au lieu que dans les premières pages de la Genèse on trouve l’institution du mariage. Le législateur qui a dit : « Croissez et multipliez, » n’a point révoqué cette loi ; et comment l’auroit-il révoquée ? Il ne saurait se contredire.

Et remarquez, s’il vous plaît, qu’il faudroit une loi expresse pour le célibat, au lieu qu’il n’étoit pas si nécessaire qu’il y en eût une pour le mariage. Tout porte les hommes à celui-ci, et par conséquent tout les éloigne de celui-là. Le désir le plus vif et le plus naturel les engage à former une société où le désir est satisfait. Il falloit donc une loi qui les écartât de cette société où la nature les conduit : or cette loi n’existe que dans le cerveau des mystiques.

Saint Paul, il est vrai, parle fortement en faveur du célibat ; mais, dans ce chapitre, c’est l’apôtre qui parle et non le Saint-Esprit. Il nous en avertit expressément lui-même, comme s’il eût voulu prévenir les dangereuses conséquences qu’on en pouvoit tirer. Il distingue avec autant de soin que de bonne foi ce qui vient de lui et ce qui vient de Dieu. Abandonné à lui-même, à ses lumières,