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DE L’ESPRIT DES LOIS.


Autrefois un moine étoit un ange ; aujourd’hui un moine n’est qu’un homme qui consent ou qu’on force à ne l’être plus ; autrefois un anachorète édifioit ; aujourd’hui le citoyen seul édifie. Nous sommes un peu plus délicats que nos pères ; ils admiroient et nous jugeons.

« Nous avons relevé ce que dit l’auteur, que, dans le midi de l’Europe, les lois, qui devraient chercher à ôter tous les moyens de vivre sans travail, donnent à ceux qui veulent être trop oisifs des places propres à la vie spéculative, et y attachent des richesses immenses. »

Il est vrai que M. de M... a dit cela, et tout aussi vrai qu’il a dû le dire.

L’expérience nous apprend que, dans le midi de l’Europe, les peuples sont naturellement paresseux. La politique nous apprend que la paresse est un vice dans un État : donc, la raison conseille au législateur d’ôter aux citoyens tous les moyens de vivre sans travail, et de corriger le physique du climat par de bonnes lois ; donc, un législateur qui contribue à nourrir le principe d’oisiveté, qu’il devroit détruire, en attachant à la vie spéculative les récompenses dues aux vertus sociales, pèche contre les premiers éléments de la politique. En est-il aujourd’hui de si borné ? non ; mais il y en a eu ; et cela suffit pour le malheur des hommes ; le mal est sans remède ; les corps spéculatifs sont partout si riches, qu’ils auront toujours de quoi corrompre les législateurs qui oseront toucher à leurs richesses. Les Pierre Àlexiowitz sont si rares ! Et puis, que peuvent les lois contre l’ouvrage de la superstition ? Le pouvoir de la politique finit là où celui de la religion commence.

« Nous avons reproché à l’auteur d’avoir dit : qu’il est quelquefois si nécessaire aux femmes de répudier, et qu’il