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SUITE DE LA DÉFENSE


roïques que nous trouvons chez les anciens, dont nous avons seulement entendu parler. »

Que notre siècle a d’obligation aux jansénistes ! Qu’ils le vengent bien aujourd’hui des injures qu’ils ont jusqu’à présent vomies contre lui, et de l’injuste préférence qu’on donne à l’antiquité, dont les vertus, dit le même auteur, étonnent nos petites âmes. Ce passage, je l’avouerai ingénument, me parut d’abord très-indifférent ; mais, examiné de près, il est rempli de venin. Il tend visiblement à la propagation de l’athéisme. Les modernes ne valent pas les anciens : c’est dire clairement que la religion chrétienne a moins de moyens que le paganisme pour porter les hommes à la vertu : voilà ce que c’est que d’avoir de bons yeux ! On voit dans un livre mille choses qui n’y sont pas.

« Les monarchies n’ont aucun besoin de la vertu ; et l’État vous en dispense. »

Cette vérité a mis les gazetiers de mauvaise humeur, sans doute en conséquence d’un retour sur eux-mêmes. Ce retour devroit pourtant les avoir convaincus que la vertu est un bien très-stérile dans une monarchie. Quant à la vertu républicaine, à cette vertu qui consiste dans l’amour de l’ordre, des lois et de l’indépendance, elle ne sauroit être de mise dans un gouvernement où Tout se rapporte à Un ; où l’honneur seul survit à’ la perte des avantages de la liberté ; où l’on ne peut aimer les lois parce qu’avec l’envie de ne s’y soumettre pas, on est dans la nécessité de s’y soumettre ; où le désir de l’indépendance est toujours un crime ; où la puissance coactive rend l’amour de l’ordre une chimère, un être de raison. La vertu consiste dans le choix ; et l’État vous dispense de choisir. Croire que M. de M... a voulu parler des vertus chrétiennes et non des vertus politiques, et qu’il a pré-