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DE L’ESPRIT DES LOIS.


il faudroit dire : « les ténèbres mêmes ne sont pas plus obscures (Sup., p. 144) ». L’auteur a cru qu’en payant de mots scientifiques, il étourdiroit son lecteur ; c’est ce qu’il fait souvent dans sa Défense ; il rapporte de son livre des chapitres entiers, qui ne mènent à rien, et il laisse de côté les textes sur lesquels il a à se justifier.

Jusqu’à présent il n’a pas eu lieu de s'applaudir de l’apologie qu’il a voulu faire de son livre. Nous voudrions au moins qu’il pût dire qu’il nous a redressé sur un point de critique qui n’a aucun rapport à la religion : c’est l’article de Tacite. L’auteur prétend que Tacite s’est trompé lorsqu’il a dit que la loi des Douze Tables fixa l’intérêt à un pour cent. Nous soutenons que Tacite ne s’est point trompé. L’auteur entend d’un pour cent par an, ce que dit Tacite de la loi des Douze Tables. Nous soutenons qu’il faut l’entendre d’un pour cent par mois. Voyons qui a raison ; nous demandons ici un peu de patience à nos lecteurs.

Selon l’auteur, la loi des Douze Tables n’a rien statué sur l’usure, et Tacite s’est trompé en prenant pour cette loi celle que les tribuns Duellius et Ménénius firent passer l’an 398 de Rome. Où l’auteur a-t-il trouvé que la loi des Douze Tables n’a rien statué sur l’usure ? Les lois des Douze Tables existoient du temps de Tacite. Maintenant il ne nous en reste que quelques fragments. Y a-t-il quelque auteur ancien qui ait dit que les lois des Douze Tables n’avoient rien statué sur l’usure ? Il faudroit néanmoins de ces sortes de témoignages, pour les opposer à celui de Tacite, et l’auteur ne lui oppose que des conjectures. Qui se persuadera que les décemvirs, auteurs des lois des Douze Tables, n’aient rien prescrit sur une matière aussi intéressante que celle du prêt de l’argent ? Rome subsistoit depuis trois cents ans : n’y avoit-il point