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DE L’ESPRIT DES LOIS.


première des lois naturelles par son importance, et non pas dans l’ordre de ces lois, c’est dire qu’elle est la première loi naturelle la plus importante. C’est l’échappatoire que notre auteur a imaginé pour se disculper : toute sa défense n’est remplie que de pareils subterfuges. Il ne cherche pas à éclairer, mais à éblouir. Oui, l’auteur n’a mis que dans le cinquième rang la loi qui prescrit à l’homme ses devoirs envers Dieu. La paix, le soin de se nourrir, le mariage, la formation des sociétés, sont les quatre premières lois que l’auteur découvre dans l’ordre des lois naturelles. La raison qu’il en donne, c’est que l’homme dans l’état de nature auroit plutôt la faculté de connoltre, qu’il n’ auroit de connoissances. Il est clair, dit-il, que les premières idées de l’homme ne seraient pas des idées spéculatives. Il songerait à la conservation de son être. Ainsi, selon l’arrangement de notre jurisconsulte, ce n’est qu’après avoir satisfait aux besoins du corps, après avoir eu des enfants, après s’être uni en société, que l’homme commence à se demander : Qui suis-je ? de qui tiens-je mon être ? et que dois-je à celui qui m’a créé ? C’est alors que se présentent les idées spéculatives (remarquez ce terme), et que l’homme commence à penser religion. Où puise-t-on de pareils sentiments ? Est-ce dans l’Évangile ? Est-ce dans la droite raison ? Non ; mais dans les ténèbres d’une raison corrompue. C’est là que Messieurs de la religion naturelle puisent leur code. A-t-on tort de les décrier ? Notre auteur dans sa Défense se plaint du reproche que nous lui avons fait d’avoir donné à Bayle la qualité de grand homme ; mais il ne dit pas que c’est à Bayle flétrissant la religion chrétienne. Nous avions cependant mis ces mots en italique, pour montrer sur quoi tomboit notre