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RÉPONSE A LA DÉFENSE


demeure court sur un pareil reproche, est-on en droit de badiner sur celui qui le suit, que chez l'auteur il n’est pas question de péché originel ? Nous avons ajouté que, ne sachant pas comment les hommes ont été formés, l’auteur aime mieux imaginer avec les païens un temps où les hommes ont vécu en sauvages, que de puiser dans les Livres saints ce qui y est dit de la création du premier homme, de sa chute et des maux qu’elle a causés. Sur ce dernier article, l’auteur dit qu’il lui a été permis de supposer un homme comme tombé des nues, laissé à lui-même, et sans éducation avant l’établissement des sociétés. Quoi ! Pour prouver ce que l’homme doit à Dieu, ce qu’il se doit à lui-même, et ce qu’il doit aux autres, il faut supposer l’homme comme tombé des nues ? Que des païens se repaissent de pareilles idées, ce sont des païens ; mais qu’un jurisconsulte, dans le sein de la religion chrétienne, ait recours à de pareilles chimères, pour y trouver l’origine et l’esprit des lois, c’est ressembler à un homme qui fuiroit le soleil, et s’enfonceroit dans des ténèbres bien épaisses, pour voir plus clair.

Nous avons reproché à l’auteur de n’avoir donné à la loi qui prescrit nos devoirs envers Dieu que le cinquième rang dans l’ordre des lois naturelles, quoiqu’il l’ait regardée comme la première dans son importance. Il répond qu’il a dit de cette loi, qu’elle est la première loi naturelle, la plus importante ; qu’au fond il pense comme nous. En avons-nous donc imposé à l’auteur ? Voici son texte : « Cette loi, a-t-il dit, qui, en imprimant dans nous-mêmes l’idée d’un Créateur, nous porte vers lui, est la première des lois naturelles par son importance, et non pas dans l’ordre de ces lois. » Dire de la loi qui prescrit à l’homme ses devoirs envers Dieu, qu’elle est la